La pression renouvelée des États-Unis sur le Rwanda et la République démocratique du Congo semble porter ses premiers fruits après que Kinshasa a interdit à ses troupes d’avoir des liens ou des relations de travail avec le groupe rebelle rwandais, les Forces Démocratiques de Libération du Rwanda (FDLR).
Un communiqué publié mardi par l’armée congolaise (FARDC) indique qu’il est interdit aux soldats congolais, « quel que soit leur grade, d’avoir quelque contact que ce soit avec les FDLR ».
Le porte-parole des FARDC, Sylvain Ekenge, a ajouté que « toute personne contrevenant à cette instruction sera placée en état d’arrestation et subira les rigueurs de la loi ». L’armée congolaise a décrété « tolérance zéro » à l’égard de cette instruction.
Les FDLR sont les restes des cerveaux du génocide de 1994 contre les Tutsi au Rwanda voisin, au cours duquel environ un million de personnes sont mortes. Le groupe, composé principalement de Hutus, est au centre d’un conflit latent entre le Rwanda et la RDC.
Alors que le Rwanda a exigé que Kinshasa cesse de travailler avec les FDLR, Kinshasa a accusé Kigali de soutenir le groupe M23, composé de Tutsis au Congo, et désormais considéré comme le groupe rebelle le plus puissant en RDC.
La déclaration de Kinshasa n’est pas venue de nulle part. Cela s’inscrit dans le cadre des pressions exercées par Washington, qui souhaite que Kigali et Kinshasa étouffent les violences incessantes dans l’est de la RDC.
Et les États-Unis, qui ont précédemment directement accusé le Rwanda de soutenir le groupe M23 et accusé la RDC d’attiser les actes des rebelles FDLR, souhaitent une désescalade, en particulier à l’approche des élections dans le pays.
Les 19 et 20 novembre, la directrice américaine du renseignement national (DNI), Avril Haines, s’est rendue au Rwanda et en RDC, où elle s’est entretenue avec les deux chefs d’Etat sur la question du rétablissement de la paix dans l’est du Congo-Kinshasa.
À Kinshasa, Haines n’a fait aucune déclaration après sa rencontre avec le président Félix Tshisekedi, qui a duré plus de deux heures, mais la Maison Blanche a déclaré plus tard qu’elle « avait rencontré le président rwandais Paul Kagame et le président congolais Félix Tshisekedi pour obtenir des engagements des deux dirigeants pour désamorcer les tensions » dans l’est de la RDC.
« Conscients de la longue histoire de conflit dans cette région, les présidents Kagame et Tshisekedi prévoient de prendre des mesures spécifiques pour réduire les tensions actuelles en répondant aux préoccupations sécuritaires respectives des deux pays.
Ces mesures s’appuient sur des accords antérieurs conclus avec le soutien des pays voisins dans le cadre des processus de Luanda et de Nairobi », peut-on lire dans le communiqué de presse de la Maison Blanche.
Les deux camps ont souvent rejeté les accusations d’attiser les rebelles. Mais le fait que les rebelles du M23 aient toujours lancé la même accusation contre l’armée congolaise n’a pas aidé.
« Cette déclaration (des FARDC) est une diversion », a soutenu Bertrand Bisimwa, président du M23.
Les États-Unis sont toutefois optimistes.
« Le gouvernement américain salue et a l’intention de suivre ces mesures de désescalade prises par la RDC et le Rwanda, et prévoit de soutenir les engagements diplomatiques et de renseignement entre les deux pays pour promouvoir une plus grande sécurité et prospérité pour les peuples congolais et rwandais », peut-on lire dans le communiqué. .
Le communiqué de la Maison Blanche ne précise pas explicitement quelles mesures ont été prises par les autorités rwandaises et congolaises pour réduire les tensions.
Comme c’était le cas il y a un peu plus d’un an, les États-Unis affirment surveiller de près la situation sécuritaire dans la région des Grands Lacs. En août 2022, le secrétaire d’État Anthony Blinken avait effectué le même déplacement à Kinshasa et Kigali pour rencontrer les présidents Tshisekedi et Kagame.
À Kinshasa, Blinken s’est dit préoccupé par « le soutien du Rwanda au groupe rebelle M23, responsable des massacres en RD Congo ».
La RDC affirme toujours que Kigali fournit des armes et des combattants aux rebelles, une affirmation que le Rwanda rejette.
Deux ans après la résurgence des rebelles du M23, outre des centaines de groupes armés nationaux et étrangers présents dans les deux Kivus et en Ituri, la situation sécuritaire au Nord-Kivu, notamment, est toujours aussi mauvaise. Après plus de sept mois de cessez-le-feu, les combats ont repris entre le M23, l’armée congolaise et les groupes d’autodéfense soutenant l’armée de la RDC.
Il n’y a aucun espoir de dialogue. Les processus de Nairobi et de Luanda sont au point mort. Et dans un rapport sur la situation en RDC il y a quelques semaines, le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, s’est dit préoccupé par le risque d’une « confrontation directe » entre le Rwanda et le Congo.
Huang Xia, envoyé spécial du secrétaire général de l’ONU pour la région des Grands Lacs, a exprimé la même inquiétude lors d’une réunion du conseil de sécurité en octobre.
« Le renforcement militaire en RDC et au Rwanda, l’absence de dialogue direct de haut niveau et la persistance des discours de haine sont autant de signaux inquiétants que nous ne pouvons ignorer », a-t-il déclaré.
Xia a également ajouté que la situation générale en RDC s’est détériorée.
« Au cours des six derniers mois, la situation sécuritaire et humanitaire ne s’est pas améliorée, bien au contraire », a-t-il déclaré.